En mars 2010, mon fils Julien avait quitté pour quelques semaines sa lointaine Australie pour venir voir sa vieille maman. Profitant de l’aubaine et de l’époque propice, je lui ai demandé de se joindre à un groupe de touristes guidés par Nicolas de FloraTour pour aller admirer les baleines et me faire un petit récit de l’ambiance dans le bateau….. Voilà ce qu’il en est sorti. Merci Juju.
Après un réveil laborieux, (7h du mat, c’est pas une heure ça), le minibus vient nous chercher devant la porte – et même les plus râleurs le trouvent confortable. Et durant la brève traversée de Las Terrenas au lever du soleil, on assiste à quelques scènes de rues typiques, hautes en couleurs. Devant le Paséo, dans une baraque de planches bleues, une jeune femme casse des œufs puis les fait glisser un par un dans une espèce de tube en pâte qu’elle fait ensuite frire dans l’huile. Mmmm. ça m’a l’air terriblement bon, mais pas le temps de s’arrêter pour petit-déjeuner : on quitte Las Terrenas, et tandis qu’autour de nous défilent collines, palmiers et maisons colorées, Nicolas, intarissable et loquace dès potron-minet, nous apprend tout sur les écoles dominicaines et le système politique local.
Une demi-heure plus tard, un peu plus réveillés, nous arrivons sur le port de Samana. Vite, on sort du bus et l’on se précipite pour acheter du jus de fruit frais, des bananes ou des oranges fraîchement pelées par une étrange machine ; les plus audacieux se font servir un petit gobelet de café local, fort et sucré, qu’un vieil homme souriant fait sortir en quelques pressions d’un gros thermos orange.
Mais pas le temps de trop s’attarder, notre embarcation nous attend. Guillerets, on monte à bord du bateau ; premiers tangages, on serre les fesses et les gilets de sauvetages, et c’est parti pour une course excitante. On surfe au sommet des vagues, et même si la mer semble calme, on tombe parfois dans un creux, ça secoue, rires, éclaboussements, certains s’éloignent du bord. C’est alors que la première baleine apparaît. Cris d’une italienne à son mari « qu’elle est belle, regarde, on dirait qu’elle est en plastique – elle a sauté – qu’est-ce qu’elle est bien élevée – regarde, elle est là maintenant. » Les français, pendant ce temps regardent en silence, ou pestent contre un voisin qui bloque leur champ de vision. Nicolas demande à tout le monde de s’asseoir, la plupart s’exécutent, et l’italienne crie toujours « guarda, ma che bella ! » La baleine suit un moment le bateau, puis elle disparaît « elle est partie faire un tour, elle va revenir, il faut attendre », observe, philosophe, un autre italien.
Nicolas, plus pragmatique, en profite pour tout nous expliquer tout, mais absolument tout sur la reproduction des pachydermes aquatiques – leur migration depuis les mers du Groenland, et le comportement des mâles. Nous apprenons ainsi qu’avant le long voyage, une baleine mange l’équivalent de 8000 hamburgers par jour, ou qu’un baleineau boit environ 200 litres de lait pendant sa croissance, et prend 45 à 50 kilos par jours. Stupéfiant.
Bientôt, d’autres baleines apparaissent. Pour le plus grand plaisir des touristes et des responsables du tourisme, chaque année, des milliers de ces grands mammifères se retrouvent dans la baie de Sanchez. Italiens et français regardent, fascinés, ces mastodontes élégants qui nagent par deux ou trois, sortant et replongeant en rythme, faisant jaillir dans une explosion d’écume leurs têtes allongées, ou leurs queues écornées.
Les plus chanceux réussiront à capturer sur leur appareil photo l’instant magique où la baleine émerge des flots. Les moins résistants, pour leur part, se penchent bientôt, nauséeux, par-dessus la rambarde, regrettant sans doute les jus de fruits, les bananes et le café sucré. Et je me dis qu’ils n’auraient pas dû refuser les cachets contre le mal de mer que Nicolas, prévenant, nous avait offert dans le bus.
Julien Leyre . 04/03/2010